Par Faruk Bilici, professeur émérite des universités (INALCO)
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Le monde des études ottomanes et turques vient de perdre avec Jean-Louis Bacqué-Grammont l’une de ses figures emblématiques. Doté d’une érudition exceptionnelle dans les domaines des langues orientales telles que le turc ottoman, les langues turques anciennes comme le tchaghataï, le persan et l’arabe, il avait le sens aigu de passer de la philologie à l’épigraphie, de la paléographie à la géographie, à l’histoire. En réalité, sa discipline scientifique principale était l’interdisciplinarité. Au service de la recherche et des chercheurs jusqu’à la fin de sa vie, « l’Ecole Bacqué » a formé toute une génération universitaire qui constitue aujourd’hui le fleuron de la turcologie ottomanisante en France.
Diplômé de l’École Nationale des Langues orientales vivantes (1963), Jean-Louis est resté en quelque sorte jusqu’au bout l’étudiant des Langues’O, Tour à tour chargé de cours (1977-1984, 2000-2006), puis membre du Conseil scientifique de l’Institut national des langues et civilisations orientales (2007-2011), il était également Président et même militant de l’Amicale des Anciens Élèves et Amis de de l’INALCO, depuis 1969.
La carrière scientifique de Jean-Louis Bacqué-Grammont se déroule au sein du CNRS. En effet, avant même de soutenir sa thèse de 3e cycle, il entre au CNRS en 1967 en tant que stagiaire de recherche et dès la soutenance de sa thèse sur Bâbur Nâma en 1969 à l’Université de Paris, il est admis comme attaché de recherche pour devenir par la suite directeur et enfin émérite après sa retraite en 2006.
Nommé à la direction de ce qui était alors l’Institut français d’archéologie de Stamboul à la suite de ses illustres prédécesseurs tels que Albert Gabriel, Henri Corbin, Louis Robert ou encore Georges le Rider, Jean-Louis Bacqué-Grammont est réellement le second fondateur de l’institut. En sept ans (1984-1991), il le transforme littéralement -jusqu’à lui donner son nom actuel-en une véritable machine de recherche, de production scientifique, de haut lieu de rencontre et de formation. Devenu incontournable pour les chercheurs de tout horizon et de toute discipline, allant de la haute antiquité jusqu’à la Turquie contemporaine, l’IFEA est passé du statut de simple institut d’archéologie à un véritable pôle scientifique des sciences humaines, un laboratoire d’idées et de projets. Libéré des tâches administratives et devenant chercheur associé après son départ en France en 1991, Bacqué-Grammont n’a nullement quitté l’IFEA, et sous l’égide de ses successeurs, il y a créé de nouveaux programmes de recherches, participé à des manifestations scientifiques et donné de nombreuses conférences.