Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

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La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

L'utilisation de vaisselle magique et de coupes antidotes est très répandue dans le monde oriental quelles que soient les périodes. Dans cette conférence, nous nous intéresserons plus spécialement à une production de vaisselle de terre byzantine aux vertus curatives, protectrices et magiques mais nous examinerons aussi des objets de mêmes fonctions fabriqués et utilisés en Iraq aux VIe-VIIe siècles, en Syrie aux époques zanguide et ayyoubide, dans l'Empire ottoman, dans le monde indo-musulman d'époque moghole et en Chine.

Pour se prémunir des attaques des esprits surnaturels, le Byzantin a recours à diverses pratiques telles que la prière ou le port de phylactères, il s'entoure par ailleurs d'objets frappés de signes protecteurs destinés à faire barrage aux démons. Parmi ces objets familiers, la céramique byzantine de type Impressed White Ware – une production à pâte blanche aux motifs estampés sous glaçure plombifère, réalisée entre le Xe et le début du XIIe siècle – semble posséder un double pouvoir. Cette vaisselle de service semble assurer, grâce aux images dont elle est ornée, une protection magique contre les pouvoirs démoniaques susceptibles de contaminer les mets. Cette qualité lui est conférée par les images apotropaïques choisies pour leur valeur protectrice mais aussi par la technique utilisée, l'estampage. En effet, à Byzance, de la sphère domestique à celle de l'état, l'empreinte laissée par les sceaux et les estampilles est essentielle comme garantie de la sécurité matérielle mais aussi spirituelle – elle fonctionne à la fois dans le monde du visible et de l'invisible. Son second pouvoir, prophylactique, est peut-être naturellement contenu dans le matériau dont elle faite, c'est-à-dire une argile blanche dont les propriétés pourraient être celles de la Terra Lemnia ou Lemnia sphragis – une terre blanche aux vertus médicinales curatives, originaire de l'île de Lemnos, connue depuis l'Antiquité. Cette denrée rare et chère est encore utilisée sous l'appellation de tin-i mahtun à l'époque ottomane. L'utilisation pharmacologique et médicale de cette terre suit les pratiques antiques mais les Ottomans lui attribuent aussi des vertus prophylactiques. Ainsi le sultan Mehmed II, inquiet pour sa santé, se fait fabriquer de grandes tasses et des chopes en tin-i mahtun, persuadé que ces plats se briseront au contact des poisons qu'on pourrait mélanger à sa nourriture. Diverses cruches à pâte beige ou rose, datées des XVIe et XVIIe siècles, qui portent à la base de l'anse une pastille estampée sur laquelle on lit tin-i mahtun, attestent bien cette usage. Byzantins et Ottomans semblent ainsi faire appel aux mêmes recettes pour se garder des maladies et se protéger des démons.