Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

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La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

En 2013, l’Azerbaïdjan a délivré environ 2000 permis de résidence (temporaire et permanente) à des citoyens iraniens. La seule Arménie en a quant à elle délivré 81 901, soit 60% de la totalité des visas octroyés à des ressortissants étrangers. À l’occasion de la fête de Novrouz 2014, un concert réunissant des pop-stars iraniennes était organisé à Tbilissi, comme l’annonçaient les affiches placardées sur les vitrines des cafés iraniens de la capitale géorgienne. L’information avait également été relayée à Erevan dans les restaurants tenus par des Iraniens, à grand renfort de clips publicitaires entrecoupant sans cesse les incontournables feuilletons turcs diffusés sur les chaînes de la diaspora iranienne. Les activités festives sont toutefois loin d’être la seule raison de la présence d’Iraniens au Caucase du Sud : on circule également beaucoup, entre Tbilissi et Erevan, ou l’inverse, à la recherche de nouvelles opportunités commerciales, voire en quête d’un refuge pour ceux qui ont fui la République islamique. L’Université française d’Erevan compte quant à elle pas moins de 12% d’étudiants originaires d’Iran, l’Institut d’études iraniennes de l’université d’État d’Erevan accueille également un nombre important d’étudiants iraniens qui ne sont pas tous d’origine arménienne, loin s’en faut. Tbilissi est devenue désormais un territoire d’investissement prisé pour un certain nombre d’Iraniens, à tel point que les autorités géorgiennes ont décidé en juillet 2013 de rétablir un régime de visa avec l’Iran. Çà et là, des inquiétudes naissent quant aux conséquences de l’achat de biens fonciers et immobiliers par des ressortissants iraniens, toutes possibilités qui ont été elles aussi limitées.

Longtemps voie commerciale entre Orient et Occident, la Géorgie a entretenu de longues dates des relations avec la Perse, à son tragique détriment parfois (sac de Tiflis par l’armée d’Agha Mohammad Khan Qadjar en 1795). Avec la conquête russe du Caucase au XIXème siècle, Tbilissi devint la place forte des tsars dans la région, une étape dans sa poussée vers les mers chaudes dont l’Empire tsariste était dépourvu, et au-delà vers ce pays de Cocagne qu’était l’Inde dans les esprits de l’époque. On comptait de nombreux Persans résidant à demeure à Tbilissi, mais également des négociants et artisans qui s’installèrent dans cette ville où la civilisation persane avait conservé une place de choix dans tous les domaines. Si la place de la langue et de la littérature persanes déclina très vite par la suite en raison de l’influence politique croissante de la Russie et des autres pays européens, la langue géorgienne moderne demeure fortement marquée par les emprunts lexicaux au persan. Il ne s’agit là toutefois que d’un des héritages d’une présence iranienne pluriséculaire dans la région.

En Transcaucasie orientale la situation tourna à l’avantage de la Russie vers la fin du XVIIIème siècle : désunis et sous-équipés, les khans locaux, qui s’étaient peu à peu émancipés de la tutelle séfévide puis qadjare, furent mis en déroute par l’armée russe. De son côté, la Perse essuya plusieurs défaites qui conduisirent à la perte des portions septentrionales du nord de la République d’Azerbaïdjan actuelle (traité de Gulistan, 1813) et au passage des khanats d’Erevan, Nakhitchevan et Ordubad dans le giron russe au terme da la signature du traité de Turkmentchai (1828). Ceci eut, entre autres conséquences, pour effet de transférer le tiers des provinces azéries sous administration russe, affectant durablement le sort des populations azéries de part et d’autre de la frontière jusqu’à nos jours. Au début du XXème siècle, les réformes constitutionnelles en Iran et les révolutions russes de 1905 et 1917 ont de plus profondément influencé les  développements politiques et historiques au nord et au sud de l’Araxe. La création de l’URSS a à son tour ouvert un chapitre complexe dans les relations entre l’Iran et la Transcaucasie, gérées essentiellement depuis Moscou. L’effondrement de l’ soviétique a enfin modifié de façon substantielle les équilibres régionaux, consacrant l’émergence (la réémergence, serait-on tenté de dire) du Caucase comme carrefour géopolitique et géostratégique au cœur d’un espace dont les ressources sont convoitées (gaz et pétrole de la Caspienne notamment) et qui apparaît de surcroît comme une voie de transit incontournable pour les hydrocarbures notamment.

Le développement de relations autonomes entre l’Iran et les trois États sud-caucasiens ne pouvait que conduire à des dynamiques propres à chacun d’entre eux tant les intérêts divergent. Alors que l’entente irano-arménienne reposait à l’origine essentiellement sur l’existence d’ennemis communs, les deux pays ont peu à peu développé des relations étroites dans les domaines économique et énergétique. L’Azerbaïdjan a quant à lui entretenu des relations exécrables avec son grand voisin dans la période ayant immédiatement suivi la période soviétique : alors que Bakou soupçonnait Téhéran de tentatives de déstabilisation par le vecteur chiite, les autorités iraniennes reprochaient à la République d’Azerbaïdjan de soutenir l’irrédentisme azéri dans ses provinces du nord. Un pacte de non-agression tacite semble cependant avoir été conclu entre les deux pays depuis Aliev père sur la base d’intérêts bien compris par les deux parties. La Géorgie, toute tournée vers la Russie, l’Europe et les États-Unis, certes pour des motifs différents, semble ne savoir que faire vis-à-vis de la République islamique et de ses ressortissants, pourtant eux bien présents à Tbilissi. A Téhéran, c’est somme toute le pragmatisme qui règne à l’égard du Caucase du Sud et, si les sanctions occidentales à l’égard du pays étaient levées, il y a tout lieu de penser que l’Iran serait amené un rôle majeur au Caucase.

Vingt ans après la disparition de l’URSS, la présence iranienne au Caucase revêt donc une réalité diverse et encore largement inexplorée par les chercheurs. L’idée d’une conférence à ce sujet réunissant des chercheurs originaires de la région, mais également des collègues venant d’autres horizons, semble par conséquent faire sens.