Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

Bibliothèque

La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

Ce projet s'inscrit dans le cadre du programme « Alexandrie, une cité portuaire méditerranéenne à l'époque ottomane, début du XVIe-début du XIXe siècle » engagé depuis 2001 par le Centre d'Études Alexandrines (CeAlex USR 3134, Alexandrie). Il s'inscrit également dans l'axe « Études maritimes méditerranéennes » du pôle « Études d'histoire ottomane et turque » à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul /Georges Dumézil (USR 3131)

Tout en réalisant le projet présenté ici, nous participerons naturellement aux activités scientifiques de l'IFEA et du CeAlex pour créer la synergie entre les deux institutions autour des études ottomanes.

Présentation et problématique du projet

Ce projet rompt avec une certaine historiographie concernant la période ottomane dans les pays issus de la désintégration de l'Empire ottoman. Celle-ci privilégie une vision nationale au détriment d'une approche plus globale, nécessaire non seulement en raison de la vaste configuration géographique de l'ensemble ottoman, mais aussi des sources archivistiques éclatées entre divers fonds documentaires nationaux (égyptien, syrien, turc, bulgare, grec, etc. ). De la même manière, aussi importante et utile qu'elle soit, l'historiographie utilisant exclusivement les sources en diverses langues européennes[1] doit être nécessairement complétée par l'apport des archives ottomanes.
Le projet dépasse les clivages toujours réels entre spécialistes des domaines ottoman et arabe, dus à la formation, mais surtout aux compétences linguistiques nécessaires.
Il se propose donc de mobiliser l'ensemble des sources pour d'abord compléter le travail déjà effectué dans les sources arabes et européennes[2]. Mais il compte également contribuer aux bases de données issues du dépouillement des registres du tribunal (Mahkama) d'Alexandrie[3]. Nous poursuivrons donc l'enquête avec l'apport décisif venant des sources en turc ottoman, pour l'essentiel en Turquie, mais aussi en Bulgarie.

Mobilisant des chercheurs et universitaires venant d'horizons divers, en l'occurrence essentiellement égyptiens, turcs et français, autour d'un thème qui intéresse les deux rives de la Méditerranée sur une assez longue période représente le point le plus important de ce projet fédérateur. Ainsi la collaboration de plusieurs institutions françaises, égyptiennes et turques sera systématiquement recherchée. Notamment celle de l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), l'Institut de recherche sur le monde arabo-musulman (IREMAM), des universités de Marmara, d'Istanbul et du Caire, ainsi que de l'Institut de Recherche l'histoire, l'Art et la Culture de la Conférence islamique basé à Istanbul (IRCICA).
Notre travail portera donc essentiellement sur deux aspects fondamentaux:

I. L'étude des relations maritimes entre Alexandrie et Istanbul.

Suite à la conquête ottomane d'Égypte, l'axe maritime Alexandrie-Istanbul devient la colonne vertébrale de l'Empire ottoman en Méditerranée pour de multiples raisons:
  • position géographique au cœur de l'Empire rendant les déplacements faciles et rapides de déplacement;
  • importance des échanges entre l'Égypte et Istanbul;
  • mobilisation des ressources de l'Égypte en hommes, en matériel, en marchandises au service de l'Empire;
  • appui sur cet axe maritime Alexandrie-Istanbul pour la poursuite de l'expansion se poursuit vers la mer Rouge et la Méditerranée occidentale.
L'organisation de la liaison maritime entre Alexandrie et Istanbul est un autre grand problème. La navigation elle-même, les différents escales, l'organisation de la tête de pont à Istanbul; la mobilisation des moyens matériels, techniques, humains pour l'activation de cette route et la protection de celle-ci.
Les études consacrées à l'histoire maritime de la Méditerranée orientale sont pour l'instant très partielles, elles le sont encore plus pour la période ottomane et sur la longue durée.
Les politiques ottomanes dans le domaine de la navigation et du commerce ont été fluctuantes: tantôt implication forte de l'État, surtout au XVIe, avec des visions politiques portées par des hommes d'État, les grands vizirs dont Sinan pacha, intervenu aussi à Alexandrie; tantôt les activités mercantiles sont très largement entre les mains de réseaux de marchands, cependant alliés à des groupes au sein du pouvoir. Enfin le facteur à la fois des marchands, mais aussi des armateurs européens doit être pris en compte: ils sont partenaires notamment dans le domaine du cabotage (la caravane maritime) étudié par D. Panzac, mais également comme corsaires.
Cela implique l'étude des domaines comme la construction navale, la navigation, la sécurité, la course et la piraterie, mais aussi la circulation des hommes (marchands, pèlerins, fonctionnaires) et des marchandises. Une attention particulière sera portée aux questions de crises: peste, guerres, insurrections.

II. L'administration de la ville d'Alexandrie en tant que port ottoman.

Il s'agit d'étudier l'aménagement et la protection du port, les structures administratives, commerciales, et d'accueil (foundouk, khans).
Sous double autorité d'Istanbul et du Caire, Alexandrie était le témoin de tous les passages des fonctionnaires ottomans et des pèlerins musulmans allant en Égypte et vers les lieux Saints. Mais elle était aussi le témoin également de toutes les résistances des beys locaux mamelouks contre l'administration ottomane, sur lesquelles il faut revenir dans cette étude.
À la fois contribution à l'histoire économique et maritime en Méditerranée orientale, et à celle des relations internes de l'Empire ottoman et enfin et surtout à celle du rayonnement d'Alexandrie sous l'Empire ottoman au cours des trois siècles (XVIe-XVIIIe siècles), cette étude ne couvre pas la période de l'Expédition d'Égypte ni le XIXe siècle, déjà largement étudiée par ailleurs.

Résultats scientifiques escomptés

Le projet dont nous venons de tracer les grandes lignes viendra s’intégrer aux programmes de recherches existants à Alexandrie comme à Istanbul. Nous utiliserons les bases de données existantes signalées, les enrichirons avec les nouvelles données, mais nous avons commencé à créer une nouvelle base de données par le dépouillement sériel des fonds documentaires ottomans conservés en Égypte comme en Turquie, mais aussi à Sofia (Bulgarie), qui pourraient compléter les autres bases.
L’objectif en est de rendre facilement accessible les fonds archivistiques en turc ottoman afin de les mettre à la disposition des chercheurs travaillant sur le projet Alexandrie. Il s’agira d’une part de réaliser un inventaire des fonds documentaires, d’autre part de dépouiller intégralement certains autres fonds notamment ceux relatifs à des thèmes spécifiques : équipement urbain (aménagements portuaires et urbains, administration portuaire et institutions urbaines dont waqfs, adduction d’eau, citernes etc.) aménagement et organisation des transports entre Rosette et Alexandrie (notamment les questions de transbordement, de rupture de charge entre navigation fluviale et transport maritime).
Suivant le modèle de ce qui a déjà été fait sur quelques fonds, cette base de donnée a été élaboré sur FileMaker pro par Patricia Rifa. Des vacataires ont été engagés pour collecter les documents, en dresser des résumés et à l’avenir nous nous mettrons cette base de données en ligne. Le financement du projet sera assuré principalement par le CeAlex mais également par l’IFEA.

Une équipe de chercheurs sera constituée pour travailler plus concrètement sur les relations entre Alexandrie et Istanbul. Cette équipe aura surtout pour tâche de consolider la dynamique de réseaux en s’appuyant sur les deux instituts, d’ouvrir un nouveau domaine de collaboration entre les deux dans le domaine de l’histoire ottomane tout en développant la collaboration entre chercheurs turcs, égyptiens et français, faire ainsi la jonction entre les domaines arabe et ottoman non seulement à travers les sources, mais aussi à travers les chercheurs et universitaires.

Dans ce sens, une première thèse est inscrite en octobre 2013 à l’INALCO par Mme Aslı Şenol Ghebentani sous ma direction dont l’intitulé est  « Un conflit turco-égyptien devenu crise européenne (1831-1841) ». Par ailleurs un mémoire de master est également inscrit par Aslı Karataş Picard sous ma direction sur « Le consulat de France à Alexandrie sous l’ambassadeur Nointel ».
Bien entendu nous pensons d’abord aux initiateurs du projet, Michel Tuchscherer et Ghislaine Alleaume (IREMAM), mais aussi aux personnes participant à ce projet depuis plusieurs années, notamment Nasser Ibrahim (Université du Caire), Tarik al-Morsi (Bibliothèque d’Alexandrie), Husam Abd al-Mu’ti (Université de Beni Souef), Husam al-Din Ismâ’il (Université ‘Ayn Shams du Caire). À l’IFEA, Jean-Louis Bacqué-Grammont (CNRS, directeur de recherche émérite) et Dejanirah Couto (EPHE), tous deux chercheurs associés seront sollicités. En Turquie, nous solliciterons également Idris Bostan et Mücahide Güneş (Université d’Istanbul), Zekeriya Kurşun (Université de Marmara) et son Association des chercheurs sur le Moyen-Orient et l’Afrique (ORDAF), Özen Tok (Université d’Erciyes, Kayseri).

Les travaux de cette équipe déboucheront sur

  • un volume d'Études alexandrines, Alexandrie ottomane sur la route maritime Alexandrie-Istanbul;
  • une contribution sur les waqfs à partir des archives ottomanes dans le volume en préparation sur les waqfs;
  • l'intégration des données tirées des archives ottomans dans le SIG sur la ville d'Alexandrie en cours élaboration;
  • enfin un ouvrage de synthèse sur les relations d'Alexandrie avec le nord de la Méditerranée ottomane et plus particulièrement avec Istanbul.

Le calendrier

Le projet que nous proposons est en réalité un programme de recherche sur plusieurs années. Mais pour un dépouillement de l'essentiel des sources archivistiques conservées en Turquie, en Égypte et en France (la partie la plus connue et la plus exploitée), l'exploitation et la publication des premiers résultats, nous prévoyons deux ans (une année renouvelable) à compter du 1er septembre 2013.

Bibliographie sélective

BACQUÉ-GRAMMONT Jean-Louis, "Soutien logistique et présence navale ottomane en Méditerranée en 1517", ROMM 39, 1985 Les Ottomans en Méditterranée - Navigation, diplomatie, commerce. pp. 7-34.
BILICI Faruk, Louis XIV et son projet de conquête d'Istanbul, Ankara, Türk Tarihi Kurumu, 2004, 361 p, cf. notamment pl. 13 à 19.
BOSTAN Idris, Osmanlı Bahriye Teşkilatı: XVII. Yüzyılda Tersâne-i âmire, Ankara, 1992, 298 p.
EVLİYA ÇELEBİ, Seyahatnâme, vol. X, Yapı Kredi Yayınları, Istanbul, 2007.
FONTENAY Michel, "Le commerce des Occidentaux dans les Échelles du Levant vers la fin du XVIIe siècle", in: Bennassar (Bartholomé), Sauzet (Robert) éds., Chrétiens et Musulmans à la Renaissance. Paris, Honoré Champion, 1998, p. 337-370.
LANDAU Jacob, "Principales caractéristiques de l'activité économique juive dans l'Égypte ottomane", in: Roland Goetschel (éd), 1492 L'expulsion des juifs d'Espagne. Paris, 1996, p. 93-99.
LELLOUCH Benjamin, Les Ottomans en Égypte: Historiens et conquérants au XVIe siècle, Peeters 2006, 423 p.
MAHMUD Seyyid Muhammed es-Seyyid, XVI. Asırda Mısır Eyaleti, Edebiyat Fakültesi Basımevi, Istanbul, 1990.
MIEGE (Jean-Louis), "La navigation européenne à Alexandrie, 1815-1865", REMM 46, 1987. Alexandrie, entre deux mondes. pp. 121-136
PANZAC Daniel, "Alexandrie, peste et croissance urbaine (XVII-XIXe siècles)", ROMM, 46, 19871987. Alexandrie, entre deux mondes. pp. 81-90.
PANZAC Daniel, La caravane maritime. Marins européens et marchands ottomans en Méditerranée (1680-1830), Paris, CNRS, 2004, 230 p.
PANZAC Daniel, La peste dans l'Empire ottoman. Louvain, Peeters, 1985, 659 p.
PEDANI Maria Pia, Reports of Venetian Consuls in Alexandria (1554-1664), Alexandrie ottomane 1 (2011), Institut français d'Archéologie orientale, p. 43-182.
TOK Özen, XVII. Yüzyılda Mısır Eyaleti (La Province d'Égypte au XVIIe siècle), 2002 (thèse inédite)
TUCHSCHERER Michel (éd.), "Le commerce du café avant l'ère des plantations coloniales: espaces, réseaux, sociétés (XVe-XIXe siècle)", Le Caire, IFAO, 2001, 410 p.
TUCHSCHERER Michel, « Le renouvellement des privilèges de la Nation des Français et des Catalans à Alexandrie en 1528 », Alexandrie ottomane 1 (2011), Institut français d'Archéologie orientale, p. 15­41. (Compte-rendu en ligne)

Grâce à ces archives, de nombreuse études ont vu le jour, notamment: Daniel Panzac, "Alexandrie, peste et croissance urbaine (XVII-XIXe siècles)", ROMM, 46, 1987, p. 81-89; Id. La caravane maritime. Marins européens et marchands ottomans en Méditerranée (1680-1830), Paris, CNRS, 2004, 230 p.; Id. La peste dans l'Empire ottoman. Louvain, Peeters, 1985, 659 p.; Michel Fontenay, "L'Empire ottoman et le risque corsaire au XVIIe siècle", RHMC t. 32, 1985, p. 185-208.; Id., "Le commerce des Occidentaux dans les Echelles du Levant vers la fin du XVIIe siècle", in: Bennassar (Bartholomé), Sauzet (Robert) éds., Chrétiens et Musulmans à la Renaissance. Paris, Honoré Champion, 1998, p. 337-370; numéro spécial: Alexandrie entre deux mondes, ROMM 46, Aix-en- Provence, 1987.
Nous pensons aux quelques travaux collectifs réalisés à partir de ces sources: Faruk Bilici (dir), Le waqf dans le monde musulman contemporain (XIe-XXe siècles), fonctions sociales, économiques et politiques Istanbul, Institut français d'études anatoliennes, 1994; Suraiya Faroqhi et Gilles Veinstein (dir. ), Merchants in the Ottoman Empire (Peeters, 2008), des ouvrages de Jane Hathaway et de Karl Barbir, The Arab Lands under Ottoman Rule, 1516-1800 (Pearson/Longman, 2008) ou encore celui dirigé par Benjamin Lellouch et Nicolas Michel, La conquête ottomane de l'Égypte, 1517 (Brill, 2012); enfin le « Dossier Koca Sinan Pacha et ses waqfs » (dir. Brigitte Marino et Nicolas Michel, dans la revue Turcica, 43/ 2011.
Il s'agit de deux bases de données, l'une sérielle portant environ sur 10 000 documents sous forme de résumés et l'autre spécifique aux waqfs (750 documents entièrement établis). Enfin il faut signaler un troisième outil fondamental, le Système d'information géographique (SIG) pour la ville d'Alexandrie. Conçu d'abord comme un outil archéologique urbain, ce SIG intègre également un certain nombre de cartes anciennes et plans cadastraux, reflétant la période ottomane. En 2005, nous avons participé avec Cécile Shaalan, documentaliste au CeAlex, à l'élaboration d'un catalogue des cartes et plans à la Bibliothèque nationale de France. Ces cartes et plans (dressés essentiellement par Gravier d'Ortières et Razaud) dont une partie a été publiée dans mon livre sur Louis XIV et son projet de conquête d'Istanbul ont été intégrés dans ce SIG.