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La réforme du nom de 1934 en Turquie, qui instaure l'obligation du nom de famille, est souvent lue comme l'imposition par les institutions à tous les citoyens d'une dénomination uniforme, dans une logique d'identification et d'encadrement de la population. Cependant, cette réforme n'instaure pas le principe de l'immutabilité du nom. À partir de l'analyse des changements de nom de famille intervenus ces dernières décennies, l'article propose une lecture renouvelée des pratiques d' (auto-) nomination et des interactions entre État et société qui se nouent autour d'elles, lecture qui met au centre les choix onomastiques des individus. En effet, le cadre légal du changement de nom de famille est libéral, s'appuyant sur le principe de non-préjudiciabilité du nom pour son porteur ; en outre, certaines brèches juridiques permettent de justifier légalement une grande partie des demandes de changement de nom. Ce cadre libéral s'assortit d'une pratique large et d'usages variés du droit de chaque citoyen à se renommer, qui vont parfois à l'encontre de la fonction identificatrice du nom de famille. L'article s'attarde sur un type répandu de changement de nom – l'adoption tardive de noms terminant en -oğlu, « fils de », pourtant largement délaissés en 1934 – comme révélateur de logiques que la loi avait voulu évacuer : la tendance à marquer la distinction par le nom, mais aussi à investir le registre de l'ancestralité (réelle ou imaginée).