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Publié par l'OUI (Observatoire Urbain d'Istanbul) dans Hypotheses, le 31 mars 2022

Compte-rendu rédigé par Agathe Fautras et Julie Gaillet.

https://oui.hypotheses.org/5936

Introduction


La disponibilité en eau douce est indispensable à la santé, au bien-être et au développement économique de nos sociétés. À Istanbul, la zone urbaine s’est développée sur les rives du Bosphore, à une distance relativement éloignée des sources d’eau douce environnantes. Son histoire urbaine est dès lors marquée par le développement de systèmes d’acheminement d’eau douce dont on voit encore aujourd’hui les multiples vestiges dans le tissu urbain (aqueducs, citernes). Aujourd’hui, un système interbassin de gestion de l’eau, supervisé par l’Administration des Eaux et des Égouts d’Istanbul (İstanbul Su ve Kanalizasyon İdaresi, İSKİ), permet de fournir annuellement 1,7 milliard de m3 à plus de 16 millions d’habitant·e·s (İSKİ 2020) pour des activités domestiques, industrielles, agricoles et récréatives.

Les ressources en eau de la région d’Istanbul sont néanmoins soumises à des pressions de plus en plus importantes du fait des activités humaines. D’une part, le changement climatique de nature anthropique entraîne la diminution des précipitations annuelles et l’augmentation des épisodes climatiques extrêmes (chute de neige, sécheresse), pouvant conduire à des pénuries d’eau. D’autre part, la croissance de la population urbaine et l’évolution des modes de vie contribuent à augmenter drastiquement la demande urbaine en eau. Les pollutions dues à l’urbanisation continue – notamment les mégaprojets soutenant un redéploiement du front urbain au nord d’Istanbul – menacent le fonctionnement naturel des bassins versants de la région et détériorent la qualité des sources d’eau potable, qui deviennent impropres à la consommation et nécessitent des traitements coûteux et énergivores.

Depuis 1981, la tâche d’İSKİ est d’assurer la collecte, le traitement, le contrôle et la distribution de l’eau potable et des eaux usées, ainsi que la protection des ressources en eau. Plusieurs schémas directeurs ont vu le jour à partir des années 1970 pour planifier la mise en œuvre de ces tâches et répondre aux besoins d’une métropole en constante expansion. Cette planification semble toutefois en concurrence avec les logiques capitalistes d’urbanisation qui conduisent les pouvoirs publics à aller chercher l’eau toujours loin, jusqu’en dehors de la province stambouliote, questionnant la durabilité de ce modèle. De ce point de vue, l’élection du CHP à la grande municipalité d’Istanbul en 2019, coïncidant avec de nouvelles politiques nationales sur la gestion de l’eau sous l’influence de politiques européennes, semble marquer, par certains aspects, une transition dans la gestion de l’eau à Istanbul.

Lors de cette deuxième excursion, nous nous sommes rendu·e·s au barrage d’Ömerli, sur la rive asiatique. Il s’agit de la plus importante retenue d’eau de la province stambouliote, fournissant près d’1/3 de l’eau potable à la métropole – on verra que la construction récente du barrage de Melen, hors de la province, réduit ce pourcentage. Accompagné·e·s d’un ingénieur chimique, nous avons visité la station de traitement d’eau potable d’Ömerli, gérée par İSKİ.