Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

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La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

Présentation de l'axe | Activités

Chaque société développe une relation particulière avec la différence. À la différence de la France où l’égalité est le référent central, en Turquie, le signifiant maître est “unité” (birlik), cela depuis le début de la République, avec la construction de l’identité nationale turque, unitaire et unitariste. Pour rependre le titre du célèbre livre de Karen Barkey, nous sommes passés d’un “Empire de la différence” à une “République de l’a-différence”. Dans cette configuration, toute dissemblance est perçue comme dangereuse. A ce titre, elle est combattue par l’Etat car pouvant entrainer la division (bölücülük) et mettre en danger l’unité nationale. Phénomène classique, cette unité est mise en scène dans diverses patrimonialisations et est supportée par des narratives nationalistes.

Et pourtant, des différences existent en Turquie. Dès lors, quels rapports entretient cette société avec ces différences qui la composent ? Nous prendrons pour cadre d’analyse trois grands thèmes : le territoire, le religieux et le genre. Dans ces trois domaines, l’émergence de la différence ne devrait pas créer de controverse, de par la laïcité, le droit des femmes et le dogme d’un territoire national homogène. Et pourtant, le différend est là, quotidien, parfois violent. Ce programme a l’ambition de traiter ensemble ce qui ne peut a priori se comparer, à savoir le religieux, le genre et le territoire. En effet, ces domaines entretiennent des relations entre eux. En outre, nous posons l’hypothèse que ce sont peut-être les mêmes pratiques – les mêmes actions -- qui se retrouvent, quelle que soit la “nature” de l’objet sur lequel portent ces différences. Notre perspective n’est donc pas de pointer l’opposition “discours nationaliste” vs “discours particularistes” (kurde, minoritaires etc.)” comme cela a été souvent fait, mais plutôt de comprendre comment des pratiques de la différence se manifestent dans ce contexte. Au-delà de la diversité des objets et des terrains que nous étudions, nous questionnons les pratiques de la différence (construction, reproduction, neutralisation, patrimonialisation, camouflage, négation, destruction, etc.). Il s’agit bien sûr de comprendre comment se fabrique de la différence, mais aussi d’en saisir les usages sociaux et les inscriptions dans le territoire. Car, et c’est là notre porte d’entrée, il y existe des modes spécifiques d’usages et de pratiques des frontières, des mémoires, des identifications et des disparités.

Cet axe de recherche nécessite un effort important de modélisation qui met l’accent sur la relation à l’objet et non sur l’objet lui-même. Il s’agit d’une condition primordiale pour que s’établisse le dialogue entre les différentes disciplines présentes (anthropologie, démographie, histoire, psychanalyse, sociologie, urbanisme, etc.). Une façon, aussi, de penser les différences disciplinaires.

Activités de recherche

  • Excursions urbaines 2011/2012 : Expressions territoriales des rapports de genre à Istanbul (pour le programme détaillé des séances se reporter à la rubrique OUI). La question du genre en Turquie alimente de nombreuses réflexions ‘académiques’ et un militantisme actif par le biais d’associations et de revues féministes ou de défense des droits des homosexuels. La redéfinition des rapports de genre dont Istanbul est sans conteste un terrain privilégié en Turquie ne peut être appréciée seulement  à travers les textes de loi, le lien entre socialisation national(ist)e et formatage autoritaire des genres, ou la question de la parité dans la représentation politique. Elle se doit d’être observée en situation, dans les interactions quotidiennes, dans la rue, les maisons, aux loisirs ou au travail. Il s’agira donc pour nous cette année d’approcher ce fait social total que sont les relations de genre à travers des institutions précises, des situations concrètes, des moments, des lieux, qu’il s’agisse de lieux culturels, cultuels, de lieux de travail, de consommation ou de ‘culture’.

  • Séminaire « Autour de l'alcool, en Turquie et dans l'Empire ottoman » (2011-2013). On boit rarement seul et boire s’inscrit le plus souvent dans une sociabilité qui ne peut jamais se réduire au simple divertissement. Au contraire, rien de moins anodin, rien qui n’engage plus, en Turquie, que le fait de boire – ou pas. C’est que l’alcool réunit autant qu’il sépare. Il réunit, et l’on pense, a maxima, au rituel alévi où le partage de l’alcool (dem) tient encore une fonction sacrée (à l’instar des premiers chrétiens) : l’alcool comme communion. Il sépare, on n’en doute pas, dans un pays à majorité musulmane, mais dans des modalités toujours plus complexes qu’une opposition binaire musulman/non-musulman (le rituel alévi l’illustre bien). Et s’il faudra bien sûr partir de l’interdit islamique qui frappe l’alcool, c’est comme terme premier d’une série de clivages qui entretiennent avec lui des rapports ambigus : soit qu’ils l’habitent – dichotomies alévi/sunni mais également entre les différentes jurisprudences du sunnisme – qu’ils l’utilisent – instrumentalisation de l’alcool par le champ politique – ou s’en accommodent – ainsi la morale prévalant parfois, qui veut qu’on tolère l’alcool mais hors-champ, dans des marges interlopes qui sont le domaine réservé des hommes. Pratique clivante s’il en est, la consommation d’alcool génère ou actualise alors des frontières confessionnelles, idéologiques, sexuelles, spatiales... frontières mouvantes dont on pourrait essayer de suivre les lignes de démarcation dans l’espace et dans le temps, de l’Empire ottoman à la Turquie contemporaine. Ce sera l’objectif de ce séminaire : proposer un espace de réflexion pluridisciplinaire autour d’une pratique somme toute mineure, qui cristallise pourtant les antagonismes et les particularismes de la société turque. La séance d’introduction, « le fait de boire », par Nikos Sigalas et Nicolas Elias, s’est tenue en novembre 2011.

  • Séminaire « Cappadoce, terre d’histoire et de culture » (À partir d’octobre 2011) : ce séminaire transversal, animé par Anaïs Lamesa, Aylin de Tapia et Lisa Montmayeur-Deheurles a pour objet le territoire de la Cappadoce et se propose de l'étudier à travers différentes époques et avec une approche interdisciplinaire (archéologie, histoire et sociologie). Il est développé dans le pôle « histoire »

  • GELA groupe de lecture et d’écriture en anthropologie. Ce groupe s’est donné une double vocation : la première est de partager expérience de terrain et d’écriture en un atelier ouvert à tous. Les séances ont lieu une fois par mois. Les langues de travail peuvent être le français, le turc ou l’anglais, selon le choix de l’intervenant. L’idée n’est pas de présenter des travaux finalisés mais plutôt des « brouillons » de recherche qui peuvent être soumis à la réflexion du groupe. Le second objectif est d’organiser des conférences pour faire connaître l’anthropologie de la Turquie à un public plus large que le seul monde universitaire. Lorsque cela est possible, ces conférences mensuelles s’adossent à un film documentaire. Elles peuvent se dérouler en français, turc ou anglais.
  • Séminaire “mémoires et mobilités urbaines”. Ce séminaire interroge le rapport entre les questions mémorielles et les dynamiques urbaines à travers les travaux contemporains. Une attention particulière est portée sur les aspects méthodologiques des recherches présentées, qui sont autant de façon de lire et d’interpréter les usages de l’espace stambouliote, à l’intersection entre les questions mémorielles et les dynamiques urbaines.
  • Workshop international "Honor in Ottoman/Turkish studies", 4 décembre 2010, Université de Bilgi-IFEA-CETOBAC (EHESS), resp. Noémi Levy et Başak Tuğ. Participants : Berna Ekal, EHESS-Paris ; Tolga Esmer, Central European University ; Anastassia Falierou, EHESS-Paris; Benoît Fliche, CNRS-IFEA ; Noémi Lévy Aksu, Boğaziçi University ; Elise Massicard, CNRS-IFEA ; Clemence Scalbert Yücel, University of Exeter ; Nükhet Sirman, Boğaziçi University ; Başak Tuğ, Bilgi University