Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

Bibliothèque

La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

Chercheur : Jean-Baptiste Le Moulec
Doctorant à l’IEP d’Aix-en-Provence. Contrat doctoral CNRS

Cette thèse de doctorat se situe au croisement de la sociologie des élites et de la sociologie des politiques publiques qui s’intéresse aux experts turcs du Moyen-Orient arabe.
Le volume de la production dite « académique » sur le Moyen-Orient en général a considérablement augmenté en Turquie depuis le milieu des années 2000 alors que nombre de thématiques connexes aux pays arabes et à l’islam faisaient l’objet d’une quasi-interdiction avant la mise au pas du commandement militaire turc par le gouvernement AKP (2003- ?). De la même façon, la visibilité accrue  des « experts du Moyen-Orient» turc (Ortadoğu uzmanları) et des think-tanks (Stratejik düşünce kuruluşu) tant sur la scène médiatique qu’universitaire via les programmes télévisés dédiés, des chroniques et reportages, des centres de recherche universitaires, des conférences et autres ateliers ne pouvait manquer d’inviter au questionnement sur les causes et les mécanismes qui ont présidé à l’expansion fulgurante du champ de l’expertise turque concernant les pays arabes.
Parti d’une enquête sociographique visant à recueillir les biographies de ces experts, a émergé rapidement l’hypothèse de l’existence d’un réseau de politique publique propre à la politique moyen-orientale de la Turquie. Cette hypothèse est née du constat du croisement des trajectoires de ces experts. Ce groupe composite et trans-générationnel est fait de jeunes universitaires et de mandarins, de journalistes et de cadres politico-administratifs, de « think-tankers » et d’universitaires étrangers, notamment nord-américains, arabes, persans, israéliens. Cette hétérogénéité appelle à un cadre théorique alliant sociologie des élites et histoire contemporaine de la Turquie pour reconstituer l’émergence des groupes sociaux dont relèvent les acteurs identifiés.
À la fin des années 1990, alors que la réconciliation avec la Syrie venait d’être scellée, avant même l’avènement de l’AKP, ce réseau d’experts n’était qu’une constellation d’acteurs dont certains, les universitaires, étaient marginaux dans leur secteur d’activité respectif. L’arrivée de l’AKP et d’une doctrine de politique étrangère qui a envisagé d’emblée s’appuyer sur la recherche scientifique –notamment du fait des origines académiques de son promoteur, Ahmet Davutoğlu- a cependant paru déclencher la constitution d’un réseau structuré et s’appuyant tant sur des institutions universitaires que sur des organisations privées de recherche. Outre une sociologie des acteurs, voilà qui appelle à l’étude d’un réseau social Or, savoir que par ce réseau transitent des ressources financières publiques et privées importantes et  dont il existe des signes patents ne signifie pas pour autant qu’il soit possible d’en établir le budget annuel, opaque et éparpillé.
Enfin, la survenue des révolutions arabes, qui remet en cause les plans de politiques étrangère du gouvernement et balaie en quelques mois les bénéfices accumulés depuis 2003 (1998 en ce qui concerne la Syrie), impacte ce réseau d’experts du fait de ses liens étroits avec la politique moyen-orientale du gouvernement AKP (lien à la fois thématiques et personnels, avec le personnel politico-administratifs, Davutoğlu en tête, mis en place depuis 2003). Le réseau initial, hétérogène, se purge des éléments critiques ou trop autonomes vis-à-vis de la politique étrangère en particulier et du gouvernement en général, restreint l’accès aux financements aux soutiens indéfectibles du gouvernement, se transformant en une communauté « d’intellectuels organiques ».