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Franck Mermier, « ABAZA Mona, Cairo Collages. Everyday life Practices after the Event », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée 149. https://journals.openedition.org/remmm/14879.
 
Mona Abaza, professeure de sociologie à l’Université américaine du Caire, a entrepris dans ses « collages du Caire » de présenter une chronique sociologique de la vie d’un immeuble de cette ville qu’elle a habité entre 2016 et 2017. Elle mentionne, en introduction, plusieurs œuvres de fiction et de sciences sociales que l’on pourrait rassembler dans le genre de la biographie d’immeuble. Dans cette généalogie où l’on retrouvera sans surprise, La vie mode d’emploi de Georges Perec (1978), et le best-seller égyptien L’immeuble Yacoubian d’Alaa Al-Aswani (paru en 2002 en Égypte). On aurait pu ajouter un précurseur dans la fiction arabe que représente L’immeuble de Mathilde de Hassan Daoud.
Ce roman libanais, paru en 1986 en pleine guerre du Liban, avait été lu, de même que L’immeuble Yacoubian, comme une œuvre de dévoilement de la vie sociale de son temps. Dans le domaine des sciences sociales, ces « collages du Caire » seraient plutôt à rapprocher des études du sociologue David Lepoutre (2010 et 2012) sur les « rapport sociaux d’habitation » dans un immeuble parisien. Mona Abaza et David Lepoutre ont tous deux pratiqué l’observation participante ou plutôt la participation observante avec, dans les deux cas et en dépit de durées de séjour contrastées, une connaissance fine de leur contexte de résidence. Mais si les évolutions récentes de l’immeuble parisien illustrent le processus de « gentrification » qui s’est accentué à Paris depuis plusieurs décennies, dans l’exemple cairote étudié par Mona Abaza, on se retrouve dans le cas de figure inverse, soit le déclassement social du lieu d’habitation et de ses habitants. Le quartier de Doqqi où se trouve l’immeuble concerné, symbole de la modernité dans les années 1950 et 1960, est depuis plusieurs décennies en proie à une dégradation accélérée qui a conduit au départ de nombre de ses anciens habitants appartenant aux classes moyennes supérieures.