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Elise Massicard, CERI
Claire Visier, Université Galatsaray/IFEA
Non-public actors of Turkish policy-making
Problématique :
De nombreux travaux récents ont souligné les recompositions récentes des politiques publiques et des modes d’intervention de l’Etat dans le monde, sous le coup de ce qu’il est convenu d’appeler la globalisation ou la diffusion de normes d’action publique. Ces transformations globales sont souvent considérées comme signes d’une libéralisation d’un retrait de l’Etat de la régulation de nombreux domaines sociaux. A partir de terrains principalement africains, Hibou (1998, 1999) a travaillé l’hypothèse selon laquelle les modalités d’intervention de l’Etat dans l’économie suite aux réformes néolibérales et à la grande vague de privatisation se manifestait notamment par le recours plus massif à des « intermédiaires » d’action publique, donc par des formes de gouvernement indirect. Elle utilise à ce sujet le terme wébérien de « décharge ».
Les travaux menés dans le cadre d’un travail collectif et interdisciplinaire sur les formes de l’action publique en Turquie sont parvenus à des conclusions qui s’inscrivent en cohérence avec cette vision : l’importance renouvelée ces dernières années de formes de gouvernement indirect en Turquie. Les études menées sur TOKI (Pérouse 2013), sur l’implantation économique de l’armée turque (Cort-Real Pinto 2012), sur le rôle de différents acteurs de la société civile (ONG, syndicats) dans les réformes et formes de gouvernement promues par l’Union européenne (Visier 2013, Scalbert-Yücel et Girard 2013), sur le rôle des partis dans l’action publique ou sur des figures à la frontière de l’Etat comme les muhtar (Massicard 2013) ; des travaux récents sur la politique étrangère turque (Benhaim, Angey), ont mis en lumière l’importance des acteurs non publics, au-delà d’une grande pluralité de types d’acteurs et de formes d’articulations. Certains de ces travaux insistent également sur les ancrages historiques de certaines formes de partenariats, réinscrits dans une longue durée (pour la sous-traitance de la violence, voir Dorronsoro 2011, Gourisse 2013), qui porte à s’interroger plus avant sur les ruptures et les continuités.
Parmi eux, plusieurs travaux ont mis en lumière la manière les réformes récentes de l’Etat turc dans le sens d’un new public management (réduction des effectifs, efficacité, etc.) se sont accompagnées non pas d’un retrait de l’Etat de certains domaines d’action comme il est souvent postulé, mais au contraire par une intervention plus claire des pouvoirs publics dans certains secteurs qu’ils avaient peu investis dans le passé (assistance sociale, logement, santé, transports) (Massicard 2014, Kadirbeyoglu 2013). Ainsi, le recours à des intermédiaires privés ne correspond pas toujours à un simple changement de mode d’action des institutions publiques, ni à un retrait de l’Etat de certains domaines d’activités, mais peut également s’accompagner d’un investissement nouveau de certains secteurs, et peut-être le permettre. Ce constat invite à poser à nouveaux frais la question des relations entre modes d’exercice du pouvoir et périmètres de l’action publique. Il s’agit de réfléchir sur les formes des relations ainsi nouées entre institutions publiques et acteurs privés, les termes de leurs échanges, et les formes de gouvernement ainsi produites. Ce constat invite également a, lorsque cela est possible, à ouvrir la « boîte noire » de l’appareil politico administratif pour saisir la (re)composition des liens entre institutions publiques et acteurs privés à partir de l’observation de l’intervention d’acteurs extérieurs au périmètre institutionnel de l’Etat dans le « policy making », c’est-à-dire la fabrique même des politiques publiques».
Alors que les études concernant les politiques publiques sont souvent cloisonnées en termes sectoriels qui dialoguent peu, l’objectif de la journée est d’explorer les dynamiques des partenaires non publics de l’action publique en Turquie sans se limiter à un secteur spécifique. On attend des participants la présentation d’études de cas approfondies, empiriquement fondées, qui pourraient nourrir une réflexion commune.