Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

Bibliothèque

La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous

Après Sainte-Sophie et les murs de Constantinople, la Kariye Camii, ancienne église abbatiale (katholikon) du monastère de la Chora, est le plus célèbre des monuments byzantins actuellement visibles à Istanbul. Elle est la mieux conservée parmi les centaines d’abbatiales qui ornaient autrefois la capitale médiévale, et dont plusieurs la concurrençaient par leur décor magnifique de mosaïques, peintures et marbres polychromes. Est-ce que son bon état de conservation nous donne une fausse impression de son importance culturelle ? Son décor artistique est certes impressionnant, mais son intérêt particulier vient de son association avec l’homme qui la rénova à fond et lui donna l’apparence qu’elle présente au visiteur d’aujourd’hui.

Cet homme, ce fut le grand logothète Théodore Métochite, que la mosaïque en haut de l’entrée principale de l’église représente dans l’acte d’offrir sa fondation au Christ. Né vers 1260, Métochite attira par son talent littéraire la faveur de l’empereur Andronic II Paléologue, qui le chargea de missions diplomatiques puis de l’administration des finances publiques. Il en vint ainsi à présider à la fois au gouvernement et à la vie intellectuelle de Byzance de 1305 à 1328, jusqu’à la déposition d’Andronic qui entraîna sa propre chute. L’empire vécut à cette époque la pleine catastrophe politique, mais vit en même temps une riche production culturelle qu’on appelle, à juste titre, la dernière renaissance byzantine.

Métochite se trouvait au centre de cette renaissance, et c’est dans ce contexte qu’il faut situer sa rénovation du monastère de Chora. Ses copieux écrits nous évoquent un projet qui était bien plus qu’une pure et simple fondation pieuse. Au delà du salut de son âme et la promotion du monachisme, Métochite cherchait des récompenses plus propres à l’Antiquité grecque qu’au christianisme : le plaisir esthétique et intellectuel, la gloire et la renommée, et la reconnaissance d’un évergétisme qui visait non pas les pauvres mais les savants, car ce qu’il prisait avant tout, c’était la riche bibliothèque dont il dota son monastère pour l’usage des lecteurs externes.

Cependant, le monastère de Chora ne participa pas à la renaissance byzantine uniquement en manifestant l’égoïsme parvenu de son fondateur. Métochite le rénova à l’instigation de son souverain, Andronic II, qui lui avait déjà proposé son autre projet d’envergure, sa volumineuse Introduction à l’astronomie. Cette réédition, en effet, de l’Almageste de Ptolémée, la plus grande synthèse astronomique de l’Antiquité, avait eu pour but de faire renaître une science négligée depuis longtemps à Byzance mais bien cultivée chez ses voisins. La rénovation de la Chora s’inscrivit pareillement dans un programme de renouveau impérial, celui de rendre à Constantinople l’éclat qu’elle avait perdu en conséquence de l’occupation latine de 1204 à 1261. Continuant l’œuvre de son père Michel VIII, Andronic II se réserva la réparation des anciens monuments publics, mais confia à ses proches le soin de rénover les monastères. De tous ces projets «privés», celui de la Chora fut certainement le plus splendide. Ce n’est pas par hasard que son dernier fondateur, Théodore Métochite, composa le plus grand éloge de Constantinople qui nous soit parvenu.